EyadBurnat, Directeur du Comité populaire de Bil’in, Salam Fayad, Premier ministrede Palestine, Luisa Morgantini, Vice-présidente du Parlement européen, etMairead Maguire, Prix Nobel de la Paix, se sont ensuite exprimés sur lanécessité de poursuivre la résistance populaire comme stratégie pour contrerl’oppression et défendre les droits élémentaires à la vie et la liberté du peuplepalestinien. Le premier ministre Salam Fayad a insisté sur le fait que l’Autoritépalestinienne (AP) a toujours soutenu, et soutiendra toujours, les comitéspopulaires. Jimmy Carter, ancien Président des Etats Unis, avait égalementenvoyé une lettre de soutien à la conférence. La journée s’est poursuivie pardifférentes interventions sur la situation critique de Jérusalem Est due àl’expansion des colonies ainsi que sur la manière de promouvoir une culture derésistance. Les maires des villages Ni’lin, Al-Mas’sarah (Mahmoud Zwahre qui étaitparmi nous en Suisse en janvier), de la vallée du Jourdain, du sud d’Hébron etde Bil’in ayant introduit des campagnes de résistance populaire ont décritleurs méthodes pour des actions efficaces. Dans la soirée un groupe dereprésentants des principaux courants politiques se sont exprimés sur l’avenirde la résistance populaire non violente. Les dissensions entre eux étaientnormales mais tous se sont exprimés avec calme et modération. MustaphaBarghouti (Secrétaire général de l’Initiative générale palestinienne), n’a cependantpas hésité à critiquer sévèrement l’attitude de l’AP en se référant notammentaux accords d’Oslo qu’il estime avoir divisé les palestiniens. Il a estiméégalement qu’en tenant compte de l’état de l’occupation actuelle qui ne faitqu’empirer et de la progression de la construction des colonies, l’AP devrait cesserles négociations avec Israël et s’orienter beaucoup plus vers l’union despartis politiques et de la résistance populaire afin de travailler ensemble enapportant un soutien plus conséquent aux populations qui résistent.
Deuxième jour
i) Groupe de travail
Quatre groupes de travail se sont mis en place. Nous avions choisi legroupe « Responsabilité des Entreprises vis-à-vis des Violations du Droitinternational – campagnes et actions ». Les débats étaient menés parShawan Jabarin, directeur général d’Al-Haq (ONG palestinienne pour la défensedes droits de l’Homme), Michael Sfard, avocat israélien, mandaté par le conseilmunicipal du village de Bil’in, et Dalit Baum de l’association israélienne« Who profits ? ». L’industrie de l’occupation a été trèsclairement expliquée. Toutes les compagnies privées qui, par exemple, participentà la construction des colonies font directement partie du système et violentainsi le droit international. Elles sont donc passibles des mêmes peinespénales que l’occupant. L’association France Palestine Solidarité (AFPS) ad’ailleurs engagé une action judiciaire devant le Tribunal de Grande Instancede Nanterre contre les Sociétés ALSTOM et VEOLIA TRANSPORTpour tenter d’obtenirl’annulation du contrat qu’elles ont passé avec Israël pourla construction et l’exploitation du tramway reliant les colonies illégalement installées enCisjordanie à Jérusalem, ce qui est en totale contradiction avec le droitinternational. Nous avons été informés que la plainte de l’AFPS a été retenueet que la procédure se poursuit ce qui représente déjà un premier succès de la solidarité. Unautre exemple est la CompagnieCanadienne Québécoise de Construction qui estimpliquée non seulement dans la construction d’une colonie mais aussi dans lavente des appartements. Cette compagnie viole le droit international mais aussile droit interne canadien qui est aligné sur le droit international. Ce n’estpas le cas de la France, par exemple, qui n’a pas incorporé le droitinternational au droit national, ce qui représente une difficultésupplémentaire en cas de plaintes pénales. En outre, il est souvent difficilede remonter les filières pour déterminer l’origine des vrais responsables dufait de différentes astuces juridiques : prête-nom, pays hôte, etc. LeGouvernement israélien est passé maître dans ce genre de transaction; ce qui faisait partie de l’Etat estmaintenant priva
tisé. Le travail des avocats engagés par la société civilepalestinienne consiste aussi à chercher qui fait travailler ces entreprisesprivées et quel est leur degré de complicité. Il est essentiel de s’assurer aupréalable que toutes les voies internes aient été épuisées et que le droitdomestique corresponde au droit international. Toutes les compagnies impliquéesd’une manière ou d’une autre dans une action contrevenant le droitinternational peuvent être amenées devant les tribunaux. Les banques quifinancent ou prêtent des fonds pour des actions illégales, comme DEXIA (sociétébelge) à qui le Gouvernement israélien a délégué ses activités financières, ensont un exemple parmi d’autres. Dexia ayant été nationalisée, l’Etat belge seradonc aussi tenu pour responsable.
Le boycott,en tant qu’effort parallèle et non concurrentiel, est intéressant égalementdans ce domaine car l’avantage de focaliser l’action sur une multinationale estde pouvoir attaquer ses intérêts financiers. Cependant, les compagnies ne peuventpas toutes être considérées comme responsables ou même complices, car il estessentiel de pouvoir prouver qu’il y a un lien entre elles et des violations dedroits humains et ce lien est souvent très difficile à identifier. En outre,toutes ces procédures d’identification et de plainte pénale sont très couteuseset la société civile palestinienne ne possède pas les fonds pour entreprendredes actions contre un grand nombre de compagnies. Il a été recommandé à lasolidarité dans le cas où une entreprise est connue pour telle ou telle actionillégale de diffuser largement son implication et de boycotter ses produitss’il y a lieu
ii) Visite sur le Terrain
Une sélectionde cinq visites sur le terrain a ensuite été organisée. Notre préférence s’estportée sur la partie nord de la Cisjordanie que nous ne connaissions pas ;c'est-à-dire Tulkarem et Kalkiliya. A Tulkarem, le Mur de béton divisant laville et passant au milieu d’une maison est une vision absurde. Les habitantsde la maison coupée en son milieu ont fait du Mur leur jardin. De ravissantesplantes s’agrippent au béton et les platebandes multicolores courent le long duMur. Le contraste est saisissant entre le« terroriste » palestinien qui plante des fleurs le long du Muret la « démocratie » israélienne qui construit un mur de bétondivisant le village en deux, séparant les familles et détruisant son économie. Enroute vers Kalkiliya nous nous sommes arrêtés près du village de Irtah devantune usine de produits chimiques (produits de ménages, pesticides etfertilisants agricoles) qui était à l’origine installée du côté israélien àKfar Saba, puis qui a été transférée en territoire palestinien en 1985 suiteaux récriminations des habitants de ce village israélien. Le médecin dudistrict, Dr. Mohamad Aboushi, nous a expliqué que la plupart du temps levent soufflait vers le côté palestinien et que les émanations chimiquesprovoquaient au sein de la population des villages environnants des maladiesrespiratoires sérieuses qui affectaient aussi beaucoup les enfants (bronchitesà répétition, asthme, pneumonies, etc.). Quand pendant les quelques deuxsemaines par année où le vent changeait de direction et soufflait vers le côtéisraélien, l’usine fermait ses portes. A Kalkiliya, nous avons été appréhendéspar des militaires israéliens alors que nous parlions avec des travailleurspalestiniens. Un check-point a étéaménagé uniquement pour eux. Ils le traversent à pied, après que les cars desentreprises israéliennes les aient déposés. Leurs conditions de travail sontpour la plupart scandaleuses. Pas de couvertures sociales, salaires bien plusbas qu’en Israël et payés à la journée, longues journées dont les heuressupplémentaires ne sont souvent pas payées, etc. Etant donné les fouilles etles vérifications d’identité interminables au check-point, ils doivent se rendre au passage entre 3 et 4 heuresdu matin afin de ne pas être en retard pour les bus qui les attendent del’autre côté à 7h et qui partent sans eux en cas de retard, même léger. Doncpas de salaire dans ce cas là. Les cinq militaires israéliens, quin’appréciaient visiblement pas la présence de notre groupe, nous ont fortdésagréablement demandé, mitraillette au poing, de ne pas photographier le Mur,et ont voulu confisquer nos appareils sous le prétexte que nous étions devantun site militaire ! Une altercation violente a suivi, les militairesvoulant arrêter un membre du groupe qui refusait de leur remettre son appareil.Après deux heures de tracasserie nous avons pu repartir avec nos appareils,mais seulement après avoir été contraints d’effacer les photos incriminées.
Troisième jour – Manifestation
Vendredi 24avril, clôture de la conférence de la résistance non-violente, était aussi le jourde la manifestation hebdomadaire. Après les présentations finales des groupesde travail, nous avons été briefés sur l’attitude à adopter face aux attaquesdes militaires israéliens lors de la manifestation. Dèsla fin de la prière du vendredi, nous nous sommes regroupés devant la mosquéede Bil’in. Nous étions approximativement 300 manifestants : palestiniens,un petit groupe d’activistes israéliens et internationaux confondus. DesT-shirts blancs avec l’effigie de Bassem nous ont été distribués et nous noussommes alors dirigés vers la barrière d’annexion, à environ 800m de la mosquée. Le Murà Bil’in n’est pas une construction en béton mais constitué d’un grillage de 3à 4m de haut avec des fils barbelés à profusion. Cette manifestation populairehebdomadaire est clairement non-violente et l’a toujours été. Par contre lesactions de répression de l’armée israélienne sont, elles, clairement violentes.Là encore, le contraste est saisissant. D’un côté des villageois et leurssupporters en T-shirt, sans armes, chantant des slogans contre le Mur et lescolonies, réclamant la restitution de leur terre et de l’autre côté unecentaine de militaires israéliens en tenue complète de combat avec derrière euxdes véhicul
es blindés de toutes catégories. Les jeunes camarades de Bassemavaient décidés de placer une plaque commémorative à l’endroit où il étaittombé. C’est alors que nous nous sommes rendus compte qu’il avait été tué àbout portant et que les déclarations de l’armée israélienne quant à un accidentétaient fausses, encore ! Bassem a été abattu près de la barrière doncquasiment à portée de main des militaires. Le courage des jeunes de Bil’in est inouï.Malgré les balles recouvertes de caoutchouc et les gaz lacrymogènes de hauteintensité ils ont continué sans relâche à creuser pour finalement réussir àplacer la plaque commémorative. Luisa Morgantini était d’ailleurs avec euxfaisant preuve, elle aussi, d’un courage exceptionnel. Les soldats tiraient surles manifestants avec les grenades lacrymogènes (mais dont la taille est celled’un poing fermé, comme celle qui a tué Bassem). Nous avons vu devant nous unmanifestant parisien qui a été clairement visé par un soldat. Il a pu éviter dejustesse le projectile mais il a quand même été blessé à la joue. Nous avons nous-mêmesdû nous protéger à plusieurs reprises derrière une des deux ambulances maisn’avons pas échappé au gaz lacrymogène qui étouffe et pique les yeux, empêchantpendant quelques instants de respirer et de voir. La sensation est quelque peupaniquante car nous perdons momentanément tous nos repères. Vingt cinq blessés,des blessures de légères à un peu plus sévères, ont été recensés. Les soldatstiraient de tous les côtés. Nous avons compris la rage qui tout à coup a prisles jeunes du village. En un éclair, comme si un signal avait été donné,lance-pierres et frondes sont sortis des poches et cailloux et pierres se sontmis à voler vers l’autre côté de la barrière ne tenant aucun compte des appelsau calme des Bil’inois plus âgés. Rétrospectivement, malgré la situationtragique, nous ne pouvons pas nous empêcher de sourire au souvenir de la vue deces militaires armés jusqu’aux dents se grouper et se protéger des cailloux parde grands boucliers nous faisant penser aux bandes dessinées d’Astérix legaulois et les romains avec leur fameuse formation en « tortue ».Pendant tout ce temps l’armée activait un sifflet strident et criait par hautparleur en arabe « vous êtes dans une zone militaire ; vous n’êtespas autorisés à vous approcher du Mur » et répétant sans cesse en anglaiscette phrase incongrue et incompréhensible dans la situation dans laquelle nousétions : « Vous approchez d’une zone d’exclusion de navires. Faitesimmédiatement demi-tour ». Et pourtant chaque vendredi les habitants deBil’in reviennent pacifiquement sur ces lieux avec la même détermination et lesmêmes revendications, convaincus de leurs droits et qu’ils finiront bien parreprendre ce qui leur appartient
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Résumé des Conclusions et Recommandations de la Quatrième Conférenceinternationale sur la RésistanceNon Violente.
- L’union nationale a été un des messages les plus forts. Union entre lescomités populaires et union entre les partis politiques.
- Les mouvements de boycott (BDS : Boycott-Désinvestissement-Sanctions) ont été fortement encouragés.La nécessité de faire pression sur la communauté internationale pour boycotterles produits israéliens a été évoquée tout au long des trois jours de débat.
- Combattre le rehaussement des accords de coopération Europe-Israël etdemander leur suspension tant qu’Israël viole les lois internationales.
- Continuer et intensifier la résistance non violente en s’appuyant sur ledroit international et en démontrant toutes les violations de ce droit parl’Etat d’Israël. Un soutien à la propagation de la résistance non violente àtoutes les régions de Cisjordanie a été vivement encouragé.
- Une meilleure coordination entre les comités populaires et un soutienplus tangible de la part de l’Autorité palestinienne à la résistance ont étéardemment souhaités.
- Coordonner les campagnes palestiniennes et internationales pourpoursuivre les criminels de guerre israéliens.
- &nbs
p; Intensifier le mouvement international de solidarité avec la Palestine.
- Renforcer les relations avec les groupes pacifistes israéliens quirejoignent la résistance populaire palestinienne contre l’occupation.
- La prochaine conférence se tiendra en avril 2010
Le souvenirde Bassem est encore très présent et le sera encore pendant longtemps. Ce jeunehomme représentait la jeunesse palestinienne qui voulait que sa Palestine vivelibre et dans la paix en utilisant pour y parvenir des moyens non violents.Avec des jeunes gens comme Bassem, Israël et la Palestine pouvait envisager unavenir de paix soit en commun soit côte à côte. Israël a tué cet espoir pour beaucoupdes camarades de Bassem mais elle a en même temps tué un peu de son propre avenir.Adieu Bassem.
Caroline etNathan Finkelstein -23/05/09